Saint Antoine est le patron des Papetiers Vosgiens. Il s’agit de St Antoine le Grand, l’ermite , plus ancien de près de mille ans que Saint Antoine de Padoue. Il était né en Egypte vers l’an 350, dans une famille chrétienne très riche. Tout jeune, il distribua ses biens aux pauvres et se retira dans le désert de Thébaïde pour y mener une vie de prières et de privations. Il eut bientôt des milliers de disciples et fonda de nombreux monastères qu’il dirigeait depuis son ermitage isolé. S frugalité est restée proverbiale ; ne dit-on pas encore : « un repas de Saint Antoine ». Elle a, sans doute, contribué à le faire vivre jusqu’à l’âge de 105 ans. Et pourtant il avait été tourmenté par des visions fantastiques, les fameuses tentations qui sont restées aussi célèbrent que l’animal qu’on lui attribue comme compagnon. Ces tentations et le cochon de Saint Antoine en on fait un Saints les plus populaires et, dans notre jeunesse lointaine, tous les enfants vosgiens, en particulier, connaissaient parfaitement Saint Antoine et son histoire, grâce à un fameux théâtre de marionnettes qui figurait alors sur tous les champs de foire, aux fêtes patronales. C’était des marionnettes à fils, de taille relativement grande. Le répertoire du théâtre est resté invariable pendant de très longues années et la pièce de résistance était donc la Tentation de Saint Antoine. On y voyait le bon Saint dans son ermitage, cultivant son jardinet en compagnie de son cochon, Par tradition, si tous les personnages était des marionnettes, le cochon, lui était bien vivant. Un petit cochon qui folâtrait sur la scène, très à l’aise et grognant comme il convenait. Mais une belle dame arrivait, qui était tout simplement la femme du diable, Proserpine. Son époux l’envoyait pour tacher de débaucher le Saint qui convertissait trop de pécheurs, à son gré et lui enlevait autant de clients. Vêtue de ses plus beaux atouts , Proserpine essayait d’enjôler le brave ermite. Mais Antoine repoussait la dame avec indignation. Alors, Satan, furieux, décidait une expédition punitive. Une bande d’affreux démons envahissaient l’ermitage, tiraient la robe d’Antoine, le jetaient à terre, bref lui faisaient toutes sortes de misères, mais surtout s’emparaient du petit cochon vivant, ils attachaient (dans la coulisse) sous la queue, un paquet de pétards enflammés, de sorte que la pauvre bête, un feu d’artifice au postérieur, parcourait la scène, affolé, en poussant des grognements. D’autres pétard étaient censés démolir l’ermitage en morceaux, tandis qu’un diablotin sonnait éperdument la cloche de la chapelle et le chœur des démons hurlait « Démolissons la barague à Saint Antoine, démolissons lui sa maison ». Et le pauvre Saint, agenouillé, se lamentait : « rendez-moi mon cochon, s’il vous plait, voulez-vous me le rendre ». Vous pensez si les gosses que nous étions trépignaient à ce spectacle. Hélas, les autos tamponneuses et autres manèges, sans compter les cirques géants, ont tué le pauvre théâtre de marionnettes, disparu depuis longtemps et les petits Vosgiens ne connaissent plus Saint Antoine. Mais tout cela n’explique pas pourquoi il est patron des papetiers. Toutes ses statues et images représentent l’ermite tenant un bâton en forme de T ou plutôt de Tau, lettre grecque équivalente. Or, les anciens papetiers employaient un outil d’aspect absolument semblable pour faire sécher les feuilles de papier humides, fabriquées à la main. Ils prenaient, avec cet outil, appelé ferlet, la feuille par le milieu, pour la poser sur les cordes tendues dans les séchoirs, exactement comme on fait sécher le linge. Il est donc probable que nos ancêtres papetiers ont choisi Saint Antoine pour patron parce que son attribut était semblable à leur instrument de travail. Telle est l’hypothèse émise par notre érudit compatriote, Monsieur Janot. Autrefois, une grande statue en bois, de Saint Antoine, s’élevait à l’entrée de la Papeterie de Badlieu, à Rambervillers, près de la source qui alimente l’usine en eau de fabrication. Le clergé et les fidèles s’y rendaient en procession le 17 janvier, jour de la fête du Saint. Cette statue a disparu au cours de la guerre 1914, convertie, sans doute, en bois de chauffage, par les cuistots de troupes en cantonnement. Mais une antique statuette de notre Patron est encore à la place d’honneur à la salle de triage de la Papeterie. Elle appartenait à notre frère François Boucher, mort pour la France, à 26 ans, en 1915. Archiviste distingué, il collectionnait tout ce qui pouvait rappeler les anciennes coutumes vosgiennes. Les ouvrières de la Papeterie de Badlieu fleurissent régulièrement cette statuette ; qu’elles en soient ici remerciées.
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