Article paru dans l'Est Républicain en page Vosges

Odette, Eliane, Christine, Régine et les autres ont plus de 30 ans d’ancienneté...

Matussière-et-Forest : production ralentie et sorties filtrées

A 10 heures du matin, le décor commence à se planter, devant la grille de la papeterie Matussière et Forest où l'annonce de la fermeture a plongé mardi 200 salariés dans le désarroi. Perché sur un tas de palettes, un papetier manie la tronçonneuse : il faut faire du bois pour le feu. « MF, pas de fermeture », clame une pancarte adossée à des rames de pâte à papier hérissées de drapeaux CGT et CFDT. Le même matériau va servir à monter les murs d'une cabane sommaire bâchée de plastique transparent, pour abriter ceux qui ont bien l'intention de bloquer le « trésor de guerre ».

Tous se disent choqués par la « chape de plomb » qui leur est tombée dessus. En témoignent les femmes employées au triage, qui sortent les yeux gros de larmes : Martine, 35 ans d'ancienneté ; Agnès, 36 ans ; Odette, 53 ans dont 39 à la papeterie ; Régine, pas encore 55 ans mais... 40 ans de travail ; et Eliane, 34 ans d'ancienneté, dont le mari a été licencié l'an dernier de la Poterie de Jeanménil (heureusement, il a pu prendre sa retraite).


« Notre trésor de guerre »

La pire situation est celle des couples : « Mon mari Gérard et moi, nous avons 30 ans et demi d'ancienneté », soupire Christine. « Philippe, mon mari, travaille ici depuis 35 ans, moi depuis 32 ans », ajoute Marie-Josée. C'est pareil pour Pascal le technicien, dont l'épouse Armelle est comptable. Pendant que leurs délégués se concertent, l'amertume monte : « On a été mal gérés », dit l'un. « On a renfloué les autres usines, maintenant on valse ! », lance l'autre. La conseillère régionale Monique Brunner vient apporter son soutien.

Vers 11 h, les délégués rejoignent la petite troupe : « On va se battre parce que l'usine est viable. Actuellement les machines tournent. On laisse entrer les matières premières, mais on ne laisse pas sortir les produits finis. C'est notre trésor de guerre. On a aussi un maximum de produits dangereux, par exemple une citerne de peroxyde... », lancent le secrétaire du comité d'entreprise Yannick Marquis, le délégué syndical et délégué du personnel Jean-Christophe Capdet (CGT) et le délégué syndical CFDT Frédéric Balland.

Traiter les commandes
La réunion du comité d'entreprise, ouverte à 13 h 30, apporte la confirmation de la fermeture de la papeterie, à une date inconnue. Les représentants du personnel en sortent avec les documents des livres 4 (économique) et 3 (social) de la procédure qui sera ouverte lors du CCE du 19 janvier, suivi le lendemain par les CE à Rambervillers et Raon l'Etape.

Ils apportent aussi une proposition : « Les salaires de janvier seront payés si le personnel accepte de continuer à travailler », résume Jean-Christophe Capdet. « Ensuite, si des commandes arrivent, la direction s'engage à les traiter et à nous fournir la matière première... » Du coup, on décide de « laisser sortir un certain tonnage de papier tous les jours, et d'en garder une partie en otage », ce qui ne fait pas l'unanimité dans les rangs des syndicats venus soutenir la base.

« Moi il y a 30 ans, j'ai soudé les grilles ! », dit Michel Villaume, un « fédéral » de la Chimie-énergie CFDT, accompagné du responsable pour les Vosges Philippe Cunin. « Il ne faut pas se précipiter, ça va être un long combat », rétorque Pascal Févotte, le secrétaire de l'UD CGT accompagné de Denis Schnabel. Les papetiers se retrouvent ce matin, pour fixer la stratégie. Une heure d'arrêt de travail est prévue de 11 h à midi.



Catherine MICHELET-FRÉMIOT