Article paru dans  l'Est Républicain le 25 juin 2004 en page Vosges

Les Matussière radiés et contents

Plaider, se désister ou voir l'affaire radiée. Les salariés de PMF ont préféré la troisième solution. Toujours pour faciliter la reprise.

Dans une salle comble et surchauffée, car s'y entassent à la fois les « recalculés » soutenus par la CGT et les papetiers de Matussière, le président prend la parole pour regretter que le candidat à la reprise n'ait toujours pas concrétisé... et donne la parole à Me Brun, avocat des salariés. « Le repreneur Lenk est prêt à investir 3 M€ et à sauver une centaine d'emplois. Sa proposition est arrivée au Capev, mais elle est en allemand et elle ne sera pas traduite avant lundi. Nous demandons au tribunal un nouveau report de notre dossier ». Rappelons que le plan social mis en vigueur par la direction du groupe après son dépôt de bilan a été attaqué par les salariés. Le 27 mai dernier, à la demande de ces derniers, le président Cunat avait déjà accédé à un premier report. Mais cette fois, l'avocat de la direction n'est plus d'accord et quand vient son tour de parler, demande à plaider. « Nous avons été assignés en avril. Il y a eu report en mai. Aujourd'hui, on prend les mêmes et on recommence ! »

Le président reprend donc la main et propose trois solutions. Ou les deux parties plaident, ou les salariés se désistent, ou, troisième voie, il radie le dossier... C'est ce qu'il va faire.

En fait, tout s'est déjà joué en coulisse. Les deux avocats ont longuement discuté avant l'audience. La radiation permet aux deux parties de ne pas perdre la face. Plaider, en effet, c'est renvoyer toutes les procédures à la case départ si le plan est cassé, un coût énorme pour l'entreprise. Mais un désistement, c'est aussi pour les salariés perdre le dernier moyen de pression dont ils disposent pour contraindre PMF à vendre l'unité qu'elle a fermée... La veille au soir, les salariés se sont réunis à l'usine et ont voté à la quasi-unanimité, 127 sur 131, pour ne pas attaquer ce jeudi matin, et préférer une radiation, qui ne préjuge pas d'introduire une nouvelle instance, si Lenk ne reprend pas la papeterie rambuvetaise.

Car ce qui a obligé les délégués à réajuster le tir, c'est l'effet pervers de l'assignation. « Si le plan social est cassé, et que Lenk reprend, il se retrouvera avec deux cents salariés alors qu'il ne veut en réemployer qu'une centaine au maximum. » Un effet répulsif sur le candidat qu'il vaut mieux éviter si l'on veut se marier avec...

Cellule de reconversion

Pour Me Brun, la radiation ne devrait cependant pas empêcher des actions individuelles devant les prud'hommes. « La jurisprudence permet des indemnités allant de 3 à 48 mois de salaires ».

En attendant que le projet de reprise aboutisse ou non (on reste dans les temps, avant la fin juin), les salariés continueront à fréquenter la cellule de reconversion. Mercredi après-midi, Laurence Demonet, vice-présidente PS de la Région chargée de l'insertion professionnelle et de la reconversion est venue à la cellule de reclassement rencontrer les délégués et l'administrateur judiciaire. « Nous appuierons la démarche de qualification des compétences », expliqua l'élue à la sortie de la réunion. « Nous allons faire une première intervention en commission permanente pour des formations au permis poids lourd ». Il s'agit aussi de voir si les formations peuvent durer au delà d'une année. Car Jean-Christophe Capdet, délégué du personnel CGT estime que ceux qui ont retrouvé du travail sont ceux qui ont une qualification : 23 sont en CDI, 3 en CDD et 7 en intérim. Les autres pointent.

L'espoir, c'est donc évidemment la reprise. « Notre intérêt est de vendre l'usine à un prix convenable, matériel et bâtiments compris », nous expliquait mercredi l'administrateur judiciaire grenoblois, Me Barbey, venu pour la première fois depuis le dépôt de bilan à Rambervillers. « Et le plus rapidement possible, car il y a des coûts de maintenance trop importants alors que la production est arrêtée ». Une précision utile.

Guillaume MAZEAUD