Article paru dans l'Est
Républicain en page Vosges le 08 avril 2004 Les bureaux de la chambre de commerce et d’industrie n’ont pas été épargnés.
Campés au premier étage de la préfecture, une dizaine de Matussière déversent par la fenêtre leurs ballots de papier. D'autres en bas occupent l'accueil, dont le sol comme le bureau est jonché de petits carrés jaunes. Dans le hall, Max est appuyé contre une véranda, il regarde pleuvoir les petits papiers et le trottoir se couvrir de mille couleurs. « J'aurais dû prendre mon appareil photo », lâche-t-il dans un sourire. Sur sa veste, un autocollant CGT côtoie un badge de la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier-carton et de la communication. Comme une trentaine de membres de la Filpac, il vient de Paris « soutenir les camarades qui vont être licenciés. C'est important de ne pas se sentir seuls dans la lutte. » « Cette opération coup de poing doit marquer les esprits. Il faut que les politiques accélèrent les choses et désignent un repreneur. La première machine a arrêté de tourner mardi soir, la seconde stoppera vendredi. Les notifications de licenciements sont prévues pour le 26 avril. Le temps presse », martèle Jean-Christophe Capdet, délégué syndical CGT.
Mais la journée ne fait que commencer et l'opération coup de poing n'est pas terminée. La préfecture évacuée dans le calme, les Matussière font une ovation au gros tracteur rouge qui s'avance, tirant une remorque d'épandage pleine de papier dont il arrose copieusement la chaussée. « Redecorons Epinal », scande Pascal Févotte, secrétaire départemental de la CGT. De la sono s'élève une chanson brocardant Medef et gouvernement. La chaussé multicolore de la rue Gambetta vient à peine d'être interdite à la circulation qu'une avant-garde syndicale se dirige au pas de course vers la chambre de commerce et d'industrie. La CCI est investie comme la préfecture, sans ambages. Après l'accueil, chaque bureau est soigneusement visité et arrosé de gros confettis. « Il n'y a plus de papier ? C'est pas possible, le bureau du fond a été oublié ». Qu'à cela ne tienne, on récupère quelques gros tas sur la moquette et on répare l'oubli sous les yeux médusés des employés du lieu.
De retour place du Maréchal-Foch, les Matussière se regroupent autour du car podium, où une buvette, un barbecue, des tables et des bancs ont été installés. L'action donne faim : un sandwich merguez et une bière en signant une pétition pour l'avenir d'EDF, en écoutant le concert de cinq intermittents et en attendant d'être rejoints par des représentants de la CGT, de la CFE-CGC, de la FSU, d'Attac, de la LCR ou du PCF, entre autres. « Le mouvement du printemps dernier n'a pas abouti sur les retraites, mais il a permis un grand renversement lors des élections régionales. Il faut poursuivre l'action en prônant l'union la plus large », plaide Daniel Guichard, secrétaire départemental de la FSU. Après un discours du secrétaire fédéral de la Filpac condamnant « la mise à mort d'une entreprise viable de 205 emplois sur l'autel du profit d'une poignée d'actionnaires », la manifestation se met en route. Derrière le tracteur qui continue de pailleter la chaussée, les Matussière ouvrent la marche. « Pendant la campagne électorale, on a vu défiler une bonne partie des candidats dans l'entreprise. Aujourd'hui, c'est nous qui défilons pour ne pas qu'ils nous oublient », explique Yannick Marquis, secrétaire du comité d'entreprise. Christian Muller, adjoint aux affaires économiques de Rambervillers marche à ses côtés, écharpe bleu blanc rouge nouée autour de la taille. « Une fermeture serait une catastrophe pour toute notre commune. Et même si on trouve un repreneur, des licenciements sont inévitables ». Pour que vive la papeterie de Rambervillers et pour promouvoir l'emploi
dans le département, ils sont en tout près de 300 à défiler. Tous
derrière, les Matussière devant. Car ce sont eux les héros du jour. Des
héros malheureux. Maxence ALIBERT |
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