Article paru dans l'Est Républicain en page Vosges (11/02/04)



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Lionel Cosserat :
«Notre avenir n’est pas dans un groupe qui a investi mal à propos.»

La longue attente

Rambervillers. Une banderole froissée flotte au vent à l'entrée de la cité. Dans la ville paisible, le panneau d'affichage électronique de la mairie déroule l'appel à manifester le 14 février à Epinal : « Tous ensemble ».

A l'entrée de l'usine, les papetiers, très calmes, entourent un brûlot de palettes. Avec beaucoup de dignité, ils continuent leur combat : préserver leur outil de travail du démantèlement, empêcher les machines de sortir. Mais aussi, prouver leur attachement à l'usine en continuant sans relâche à travailler, à produire, à entretenir. Pas de démagogie ni de surenchère : ce qu'ils veulent, c'est juste conserver leur emploi, en se fondant sur un savoir-faire unique, ciselé par des décennies d'expérience.

Dur pour le moral
Pour autant, les salariés ne se font pas d'illusions sur le maintien du site au sein du groupe Matussière et Forest : « Aujourd'hui, on sait qu'on va être licenciés », lâche Lionel Cosserat, le délégué du personnel, coiffé de la casquette rouge de la CGT. « Notre avenir n'est pas dans un groupe qui a investi mal à propos, en essayant d'améliorer ce qui marchait bien, plutôt qu'en réparant le reste. Il y a une volonté certaine de casser Ramber, une usine plus que centenaire ! On a tous envie de bosser, mais c'est dur de garder le moral. Plusieurs couples travaillent ici, ainsi que des jeunes qui ont construit, qui ont des enfants ! »

« On a des contrats »
Un mince espoir pour les salariés : la visite d'éventuels repreneurs. Justement, Eric Royal, directeur du site, s'apprête à accueillir un candidat sérieux, issu du milieu de la papeterie, en ce mardi après-midi ensoleillé. Ses traits sont tirés : « On continue à tourner, on a des commandes, on est approvisionné. On s'attache à maintenir l'outil en bon état. On a des contrats, des matériels : on peut démarrer une production importante quelle qu'elle soit. On a des touches sérieuses auprès de repreneurs - des papetiers. »

Vertu non reconnue
Eric Royal parle clair et net malgré la fatigue : « Ce n'est pas la joie dans le monde papetier : on est pris en ciseaux entre le prix en légère hausse de nos matières premières, les vieux papiers, et le prix de vente qui baisse. Et notre marché, celui de l'enveloppe, est en crise structurelle, face à la concurrence du courrier électronique et d'intranet dans les entreprises. »

Pourtant en matière de recyclage, Rambervillers possède un savoir-faire incomparable, unique en Europe. Mais voilà, ce qui motive un repreneur, ce n'est pas l'intérêt écologique, mais l'enjeu économique !

J.-P. V.