Article paru dans  l'Est Républicain le 15 novembre 2005



Les 128 plaignants avaient fait
 le déplacement pour écouter le jugement. 
Photos Vinent HOPÉ


« On a perdu la bataille de l’emploi, 
mais on vient de remporter celle de l’indemnisation »
, résume Me Raymond Franey.

 

Les Matussière gagnent une bataille

Le conseil des prud'hommes a alloué 6,7 millions d'euros d'indemnités à 128 licenciés des anciennes papeteries de Rambervillers. L'entreprise a un mois pour faire appel.

EPINAL. - Licenciement sans cause réelle et sérieuse. Défaut de proposition de convention de conversion. Pour ces deux motifs, le conseil des prud'hommes a condamné les papeteries Matussière et Forest à payer un peu plus de 6,7 millions d'euros aux 128 plaignants, tous licenciés du site de Rambervillers.

Dans la salle d'audience bondée, quelques applaudissements discrets saluent la décision, rendue en des termes si pointus qu'elle suscite davantage d'interrogations que de réjouissances. « On a perdu la bataille de l'emploi, mais on vient de remporter celle de l'indemnisation », résume Me Raymond Franey sur le parking. « Les juges ont estimé que Matussière et Forest et les administrateurs n'avaient fait aucun effort pour chercher un repreneur et assurer un reclassement aux salariés. Je dirais même qu'ils ont tout fait pour torpiller les différents projets de reprise, notamment celui du groupe allemand Lenk. Et ce malgré la mobilisation des employés, soutenue par les élus. »

Pot de fer contre pot de terre

Selon leur âge et leur ancienneté dans l'entreprise, les salariés toucheront entre 9 et 30 mois de salaires brut. « Ce n'est qu'une étape. Il faut attendre de voir si Matussière fait appel », tempère Jean-Paul, 10 ans de boîte au compteur. « Mais notre préjudice a enfin été reconnu. Depuis le temps qu'on se bat, ça fait du bien. »

Lui a retrouvé un emploi à peu près stable dans une autre papeterie, où il travaille en intérim depuis plus d'un an. Une exception : sur les 185 licenciés, 130 sont en situation précaire.

Une fois sa cigarette achevée, Jean-Paul retourne dans le bâtiment. Une longue file s'est formée devant la porte du greffe, où sont consignées les sommes que touchera chaque salarié. Agnès, 35 ans de maison, est dans le peloton de tête. « J'ai hâte de savoir. » Lorsqu'arrive son tour, elle griffonne un chiffre sur une enveloppe déchirée, qu'elle a partagée avec sa voisine. « J'aurais droit à 53.000 € », annonce-t-elle. Sans enthousiasme. « On a eu tellement de déceptions que j'ai du mal à y croire. Matussière va faire appel, c'est sûr. Cette affaire, c'est pot de terre contre pot de fer. »

A ses côtés, Régine fait la moue. Malgré ses 40 ans de boîte, elle n'aurait droit qu'à 12.000 €. « Plus on travaille et moins on touche. C'est ça la règle ? Tout ça parce que j'ai 57 ans et que je suis proche de la retraite. » Un ex-collègue tente de la consoler. « Tu sais, d'ici à ce que l'on reçoive les chèques... » Un appel de Matussière serait suspensif. Sans oublier que la papetier est toujours sous la menace d'une liquidation judiciaire.

Maxence ALIBERT